"Ce n'est pas ce que vous ne savez pas qui vous tue. C'est ce que vous savez avec certitude et qui n'est pas vrai."
Mark TwainLa vérité est essentielle au bien-être émotionnel (bonheur) et physique (santé).
L'acceptation d'idées fausses (contrevérités), concernant soi-même ou sa vie, produit une dégradation de son moral et de sa condition physique.
Cet univers est complexe, technologique, scientifique. Chaque aspect de la vie nécessite un savoir-faire, une technique, des règles.
Exercer un sport ou un art, partir en voyage dans une contrée sauvage, gérer des relations harmonieuses avec des peuples d'une autre culture, adopter un animal et en prendre soin, parler une langue étrangère, réussir ses études pour ne pas se retrouver, toute sa vie durant, attelé à des tâches ennuyeuses, éduquer un enfant et conserver son amour même quand il est adulte, bien s'entendre avec ses collègues, savoir reconnaître et se protéger des personnes ouvertement hostiles ou faussement amicales, gérer ses affaires administratives, savoir lire, en comprenant parfaitement ce qu'on lit, bien parler ou bien écrire pour être soi-même compris, faire marcher un ordinateur correctement, entretenir un véhicule, le conduire sans accident, gérer son argent sans être dans le rouge, accomplir son travail, même le plus simple (simplicité illusoire, car la plus humble des tâches exige la maîtrise de cet art subtil, la communication), tenir un commerce ou diriger une entreprise, raisonner avec logique, bien se nourrir, connaître les substances toxiques et leurs effets à court terme et long terme, reconnaître la désinformation et la manipulation médiatique, même celles véhiculées par des sources officielles… apprendre, comprendre, appliquer ce qu'on apprend avec succès…
Certaines activités possèdent une technologie qui a fait ses preuves, enseignée par des professeurs, des coachs ou des moniteurs : discipline artistique ou sportive, informatique, conduite d'un véhicule.
D'autres sont si mal enseignées aujourd'hui que ceux qui les pratiquent correctement se raréfient, même dans les universités : lire et écrire.
Dans certains domaines, c'est le désert. Aucune technologie efficace, produisant un résultat invariable, n'existe, comme la gestion des relations humaines, l'art de communiquer, en couple ou au travail, l'éducation des enfants, la pédagogie. Guerres, conflits ethniques, divorces ou ruptures, querelles familiales, échecs scolaires, difficultés d'insertion professionnelle ou sociale. À quoi sert la sociologie si elle est incapable de résoudre ces problèmes ?
Un ami, coach en entreprise, travaille principalement sur ce qui constitue la plus grosse demande de la part des chefs d'entreprise : la gestion des conflits entre les employés.
Enfin, dans le secteur le plus urgent, la réparation des êtres humains, physique et psychique, nous sommes très loin de posséder de vraies sciences, exactes, rigoureuses, invariables aussi bien sur le plan théorique que pratique. Les "arts" connus ou reconnus, contrairement aux sciences strictes comme la physique, produisent des résultats aléatoires, avec un taux de rechutes considérable. Quand ils en produisent.
La tendance actuelle est de gérer sa vie d'après ce principe d'une simplicité séduisante : "s'éclater", "prendre du bon temps", "on n'a qu'une vie". Carpe diem, cueille le jour… avant que la nuit ne te cueille à son tour.
Ça m'évoque une publicité d'agence de voyages qui inviterait les touristes à découvrir les splendeurs de la jungle sur le mode insouciant, en bermuda et en tongs, sans préparation ni connaissance de la faune, de la flore, des tribus locales, leurs coutumes et leurs tabous, sans moustiquaire ni trousse de secours, sans provision d'eau potable ni réserve de nourriture, sans machette, sans quinine contre la malaria, sans carte ni boussole…
La promenade finira plus tôt que prévu, au pied d'un arbre, les yeux vitreux, les dents qui claquent, le visage luisant de transpiration, fièvre, venin ou gangrène.
Ce monde n'est pas une plage hawaïenne où l'on peut se prélasser en transat, bercé par le murmure des vagues, ni une prairie bucolique ou paissent de paisibles moutons sous l'œil bienveillant d'aimables bergers, au son des lyres et des flûtes.
C'est la jungle. Connaître ses périls, déjouer ses pièges, surmonter ses obstacles, progresser dans la bonne direction est vital. Si l'on veut vivre.
Accroche-toi au pinceau, je retire l'échelle
Cependant, il existe un sujet, une matière, une activité où celui qui s'est autoproclamé homo sapiens (homme sage), possède de sérieuses lacunes : penser.
Je ne parle pas du "quoi penser". Des dictatures s'y sont essayées et s'y essayent encore avec un succès relatif. Les journaux et la télévision des pays démocratiques réussissent mieux dans ce domaine, en déguisant leurs campagnes éducatives sous l'apparence d'un service "d'utilité publique" (informations) ou de divertissements (émissions ludiques ou culturelles). La plupart de nos programmes télévisés contiennent des messages implicites, invisibles pour qui ne possède pas de solides notions en marketing et des connaissances géopolitiques seulement accessibles au personnel restreint d'agences de renseignement (CIA, MI6, etc.).
Je parle d'un enseignement qui fait cruellement défaut à notre société, "comment penser". Une ébauche de cette matière est abordée dans les mathématiques ou la philosophie, de façon abstraite, incompréhensible pour la majorité des étudiants, inapplicable dans la vie quotidienne, là où elle est pourtant le plus nécessaire.
Le nom de cette matière est la logique.
Je vous ai mis le lien de l'encyclopédie Larousse, mais si vous cliquez dessus, vous constaterez, en tentant de décrypter l'article, qu'il est inaccessible au commun des mortels.
C'est la maîtrise de ce sujet que mesurent les tests de QI. Contrairement à la superstition qui sévit sur cette planète, l'aptitude à raisonner n'est pas proportionnelle à la taille du cerveau. Si c'était le cas, les éléphants organiseraient des safaris pour traquer les derniers humains en voie de disparition.
De tout temps, la folie a été associée à l'irrationalité, tant l'illogisme de la personne qui "perd la raison" paraît évident.
Par contre, dans les affections et troubles mineurs, cette association d'idées, logique = santé d'esprit, s'estompe. On remarque moins l'absence de rationalité d'une personne stressée ou déprimée. On constate simplement que ses propos ne sont pas d'une extrême intelligence…
"J'en ai vraiment marre ! Si ça continue, je vais me foutre en l'air !"
L'amie et confidente qui écoute ce discours, pour peu qu'elle jouisse d'un état émotionnel plus apte à raisonner clairement, pourrait répondre avec justesse :
"Écoute, Cléo, c'est peut-être pas une si bonne idée… Si t'as pas pu voir que ce mec était un porc égocentrique, t'es peut-être pas non plus assez lucide pour déterminer, là, tout de suite, ce que des milliers de philosophes et de scientifiques plus intelligents que nous n'ont pas réussi à savoir depuis des siècles, je veux dire qu'il y a peut-être une vie après la mort… et t'aurais l'air maligne, à regarder bêtement ton cadavre en réalisant que t'as pas seulement perdu ton couple, mais aussi ton boulot, ton appart, ta voiture, ta famille, ta collection de CDs… enfin tout, quoi ! C'est un peu comme si tu clôturais ton compte en banque, en donnant tout ton argent à une œuvre anonyme, juste parce que t'es bouleversée d'avoir perdu ton sac en croco."
Je me souviens du making of d'un film où un acteur parlait d'une enquête réalisée auprès de personnes ayant survécu à leur plongeon depuis le pont de Brooklyn, à New York. Dans la plupart des cas, arrivées à mi-course de la descente vertigineuse, elles avaient été frappées par une double réalisation : 1. alors qu'un instant avant, leur problème paraissait monstrueux, il devenait d'une importance toute relative. 2. une solution simple aurait pu en venir à bout facilement.
La résolution des problèmes s'effectue grâce à la logique.
Un des fondements de la logique, c'est qu'une proposition, une assertion (affirmation) ne peut avoir que deux valeurs, s'excluant mutuellement : vrai ou faux.
On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Être à l'est et, en même temps, à l'ouest. Même si, puisque la terre est ronde, l'est des uns est l'ouest des autres. Pour les Américains, les Français sont à l'est. Pour les Russes, ils sont à l'ouest.
La vérité si je mens
Vrai ou faux, soit. Mais qu'est-ce qu'une vérité ?
C'est un principe, une idée, un concept, une théorie, qui se vérifie dans la pratique. C'est-à-dire produit le résultat attendu, escompté, souhaité.
Inversement, toute idée ou théorie qui ne se vérifie pas concrètement, ne produit pas le résultat souhaité, peut être qualifiée, d'un point de vue logique, mathématique ou philosophique, de contrevérité.
Une contrevérité est toute donnée fausse, qu'elle soit véhiculée par ignorance, illogisme ou pour dissimuler une stratégie.
Dans l'article Regarder autour de soi plutôt qu'à l'intérieur (anciennement Lâcher la tête), j'avais commis un contresens. J'avais utilisé le mot "mensonge" pour désigner les contrevérités. Un mensonge est une contrevérité intentionnelle. Je viens de corriger cette erreur et j'en ai profité pour enrichir l'introduction.
À l'ère de l'information, nous naviguons sur un océan de données contradictoires. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ?
Une personne matérialiste n'accordera d'importance qu'aux vérités tangibles, matérielles, concrètes.
"Si je ne me sens pas bien, c'est à cause de ce que j'ai mangé hier soir."
"J'ai dû prendre un coup de froid, ou attrapé un virus, ou les deux."
"Je suis bipolaire, j'ai lu quelque part que c'était génétique. Ça ne m'étonne pas, ma mère l'était aussi."
"Je suis malade des nerfs, mon médecin m'a prescrit un nouveau médicament, ça va peut-être mieux marcher que le précédent. Il faut qu'ils trouvent la bonne molécule."
"C'est dû à une amibe, un microbe, une bactérie, une tique, un champignon, etc." Tous les microparasites qui agressent l'organisme pour vivre à ses dépens. La nature en est remplie. Le monde microscopique est une jungle qui relègue Jurassic Park au rang d'aire de pique-nique.
"C'est le burn-out, je suis épuisé, il faut que je me repose. J'en fais trop."
"J'ai fait une dépression parce qu'il/elle est parti(e), parce que j'ai été licencié, parce que j'ai perdu mon logement, parce que j'ai échoué à mon examen, parce que je travaille dans des conditions déplorables, parce que mes gosses me tapent sur le système, parce que…" remplacer les points de suspension par une cause tangible, matérielle.
Seules les raisons concrètes, objectives, solides, peuvent influer sur l'univers physique, avoir un impact sur le corps. Et comme je suis un corps, une machine biologique, mais une machine quand même, ce sont des causes matérielles qui déterminent mon ressenti, dictent mes émotions et mes pensées.
Si mon corps va bien, mes émotions seront positives, et mes pensées aussi.
Réparons la machine et la pensée suivra.
Mais est-ce la vérité ?
Si une vérité est un principe, une théorie, une idée ou un concept qui se vérifie dans la pratique réelle, concrètement, par un résultat positif attendu, elle devrait produire un résultat réel, appuyé par des statistiques.
Je viens de trouver cet article sur Doctissimo Psychologie :
Un Français sur quatre sous psychotropes !
Nous sommes les plus gros consommateurs de psychotropes du monde. Et cette situation ne cesse d'empirer. Plus d'un quart des Français consomme des anxiolytiques, des antidépresseurs, des somnifères et autres médicaments pour le mental. 150 millions de boîtes sont prescrites chaque année…Notez au passage l'impropriété, le mot "mental" utilisé comme substantif (nom commun) et non comme adjectif. Cet abus de langage permet d'éviter l'emploi du mot esprit.
Le mot psychologie signifie "étude de l'âme" (psukhê en grec), alors que tous les praticiens se réclamant de cette démarche nient l'existence de l'esprit. Pourquoi conserver cette étiquette antique de psychologie ? C'est un peu comme si un garagiste affichait sur sa devanture "Maréchal-ferrant". Pourquoi ne pas appeler un chat un chat et dire "cerveaulogie" ?
Maintenant, quelle est la valeur de remèdes censés soigner le cerveau, administrés à une population qui est de plus en plus atteinte par la maladie que ces remèdes prétendent guérir ?
Si l'on en croit cet article, un Français sur quatre éprouve des difficultés à gérer ses pensées et ses émotions. Si l'on rajoute l'automédication sans ordonnance que constituent l'alcool, le cannabis et les drogues diverses, le pourcentage est plus important.
Alors, Réparons la machine et la pensée suivra, vrai ou faux ?
Bonne anesthésie
Commençant par la maîtrise du feu, puis des outils, jusqu'à l'agriculture et l'industrie, l'homo sapiens a apprivoisé certaines lois qui régissent cet univers, s'élevant ainsi au-dessus des autres espèces. Ironie du sort : le seul prédateur qui lui reste à craindre, c'est lui-même.
D'abord, ses semblables, avec lesquels il a du mal à vivre en bonne intelligence. Et puis, il y a celui qui l'observe tous les matins dans le miroir, sûrement le plus dangereux de tous, car il s'acharne à le fourrer dans le pétrin. Surtout dans un domaine où celui qui a pourtant découvert le feu ne fait pas des étincelles : son propre esprit, ses propres émotions, ses propres pensées.
Il faut reconnaître qu'il n'est pas aidé. Le domaine mental (ou spirituel, pour ceux qui ont l'esprit ouvert) est un pot-pourri d'idées, d'interprétations, d'explications, de méthodes, accumulé depuis près de deux siècles, tel un bazar où chacun fait son marché suivant ses goûts, pas forcément ses besoins. Si l'on considère la quantité de dépressions, troubles émotionnels, phénomènes psychologiques indésirables qui affligent notre société, il semblerait qu'en dépit des conditions de vie matérielles plus précaires que les nôtres, nos ancêtres étaient plus heureux que nous. Témoins : les statistiques de suicides, d'internements psychiatriques, et la consommation de psychotropes.
L'alcool aussi est un remède "antidouleur", déguisé en divertissement. Durant certaines guerres, lorsqu'il avait pénurie d'anesthésiques, il était utilisé pour les opérations, les amputations. Dans les fêtes et soirées, il sert de booster de communication et de cache mal-être, produisant un état de gaieté artificielle ressenti comme envahissant et déplacé par ceux qui sont à jeun, et qui retombera d'autant plus lourdement le lendemain qu'il sera assorti d'une tête cotonneuse ou d'une migraine, la traditionnelle "gueule de bois".
Autre statistique révélatrice : durant l'Antiquité et au Moyen Âge, les gens buvaient leur vin coupé d'eau. Ces vins, titrant aux alentours de 5°, étaient bien moins alcoolisés que nos vins à 12°. Dès le début du XIXe siècle, le coupage du vin se perd puis disparaît peu à peu tout au long du XXe siècle. L'écrivain Émile Zola, témoin de cette époque, avait affublé l'alcool de ce qualificatif révélateur : L'Assommoir.
Le journal Le Monde , en 2013, publiait un article intitulé Génération "biture express". Ils auraient aussi pu parler du cannabis qui est devenu l'invité obligé de presque toutes les fêtes et soirées dès l'adolescence, et parfois avant, mais ça aurait fait baisser les ventes du journal.
Sur ordonnance ou sous automédication, des antalgiques aux psycholeptiques, en passant par l'alcool, le cannabis et autres molécules du bonheur, une bonne part de la population consomme des psychotropes. Douleur physique ou émotionnelle ? Même punition, même traitement.
Quant à l'énergie vitale, qui va de pair avec les émotions en chute libre, on entend souvent cette revendication, énoncée avec amusement, quand ce n'est avec fierté : "J'avais trop la flemme."
Comparativement aux générations d'autrefois, la majorité d'entre nous est mieux nourrie, jouit de plus de confort, travaille beaucoup moins, bénéficie de meilleurs soins médicaux, possède un accès à l'instruction, à la culture et aux divertissements qui aurait fait rêver les Français d'il y a deux siècles.
Tout compte fait, il y a peut-être quand même un truc qui était mieux avant… nous.
Ce qui est sûr, c'est que crise ou pas crise, de la pharmacie à la rue, my dealer is rich.
Légères brises avec tempête en perspective
La pensée n'est pas solide, ce n'est pas comme si c'était vraiment réel, donc on ne risque pas grand-chose à penser. La pensée, c'est du vent…
Une tornade aussi, c'est du vent, qui peut emporter un bateau, un tracteur ou une vache sur des dizaines de kilomètres, arracher le toit d'une maison, dévaster un village.
La comparaison entre la pensée et une tornade semble exagérée, amusante, mais pas exacte, n'est-ce pas ?
Elle est plus appropriée qu'il n'y paraît. Ce qui détermine la force insoupçonnée de nos pensées sur notre vie, c'est qu'elles possèdent les mêmes propriétés que cet air qui commence par un léger vent à la base d'un nuage orageux, forcit graduellement en se combinant à d'autres vents selon un cisaillement (différence de vitesse entre deux altitudes, ce qui génère des frictions), jusqu'à devenir une tornade dévastatrice.
L'eau, de même que le vent, comme toute énergie mobile, peut s'accumuler. Une source devient ruisseau, le ruisseau se fait rivière, la rivière finit en cascade rugissante… Des pluies éparses au lac qui déborde et inonde une vallée, ce n'est qu'une question d'accumulation, au fil du temps.
En dépit de leur apparence immatérielle, insaisissable, volatile, nos pensées, exactes ou inexactes, vraies ou fausses, ont un impact sur nos émotions, lesquelles émotions influent sur notre comportement, actions ou inactions, notre bien-être ou mal-être, et notre santé.
Cette façon de voir est contraire à la conception matérialiste. L'idée que le léger, le transparent ou l'insignifiant puisse contrôler, dominer ou même vaincre le lourd, le solide, le pesant, c'est un peu comme de voir une frêle jeune fille mettre au tapis un colosse. Au mieux cela surprend, au pire, on n'y croit pas.
Pourtant, un avion de plusieurs tonnes, avec son fret et ses centaines de passagers, se déplace sur des courants d'air.
Le même principe est à l'œuvre avec les pensées. Ce qui est léger, fluide, transparent, invisible, en quantité suffisante, peut déployer une force phénoménale.
Du matin au soir, les pensées s'ajoutent aux pensées. Mais comme une pensée chasse l'autre, tout du moins en surface, on ne se rend pas compte du processus d'accumulation à l'œuvre.
Une idée unique, par un phénomène de déduction automatique, va en entraîner une autre, et cette autre idée en produira deux autres, aboutissant à trois points de vue supplémentaires. Ce qui fait que d'une pensée unique, nous en avons maintenant quatre qui conduiront notre façon de voir sur d'autres sentiers, lesquels déboucheront sur de nouveaux carrefours où il faudra choisir de nouvelles routes, vers plus de conclusions qui se multiplieront les unes les autres, selon une croissance exponentielle.
Et si la première idée est fausse, imaginez, de fil en aiguille, dans quel labyrinthe de réflexions, questionnements, ruminations, la personne va se retrouver, sans pouvoir trouver la sortie.
Introspection, nervosité, anxiété, difficultés de sommeil, bouleversements extrêmes, pulsions destructrices (contre les autres ou soi-même), tristesses fantômes (sans raison évidente comme une perte, un deuil), dégradation émotionnelle, sans compter une foule de troubles physiques soudains et inexpliqués, reposent sur cet enchaînement de cause à effet.
Le pourQuoi du pourQuoi du parce Que
En cas de difficulté, il est naturel de chercher une solution.
Dès les premiers cours de maths, on nous enseigne que pour résoudre un problème, il faut trouver le ou les inconnus qui en sont la clef.
Ce qui vaut pour les maths est valable dans la vie. La voiture ne démarre pas, on cherche d'où vient la panne. Ça peut être parce que le réservoir est à sec, parce que les bougies sont encrassées ou parce que la batterie est à plat. Si on a épuisé les raisons évidentes, on fait appel au garagiste qui va trouver une cause moins courante, en utilisant des appareils de diagnostic, en démontant des pièces.
Un moteur est un système simple, un assemblage d'éléments matériels, visibles, accessibles, en nombre limité. Et cela fait longtemps que la technologie des moteurs à explosion est maîtrisée par les garagistes compétents.
Un être humain est plus complexe qu'un moteur à explosion, et comme il gère une énorme quantité d'informations, il utilise un système informatique particulier.
Le langage de base (langage machine) d'un ordinateur courant est simple, son alphabet se compose de 1 et de 0. Ce qu'on appelle le langage binaire, car constitué de deux signes.
1 = "circuit électrique ouvert" = le courant passe
0 = "circuit électrique fermé" = le courant ne passe plus
À partir de ces deux symboles, la machine assemble des expressions : 0100111000 101001101 01010000101.
L'esprit humain, entre autres, utilise aussi un langage de base binaire.
vrai = oui = action
faux = non = inaction
Prenons une pensée simple : Je ne suis pas courageux(se).
Décodons-la selon la logique informatique que je viens de citer :
Je (la personne qui est moi = vrai)
ne suis pas (existe en tant que = faux)
courageux(se) (possède assez d'énergie pour l'action = vrai)
Si ce manque de "courage" est un problème, la personne s'efforcera de le résoudre. Elle cherchera le facteur inconnu, la source du problème.
Son mode de pensée binaire (oui/non, vrai/faux, cause/conséquence) l'incitera à chercher la "vraie" source du phénomène. Une cause unique qui, une fois trouvée, résoudra le problème.
C'est un peu comme chercher le bouton marche/arrêt d'une machine allumée. Trouvons la source, le bouton d'arrêt, la clef, on pourrait dire la "clef de contact", et le processus s'arrêtera.
Dans notre exemple, il s'agit de trouver le bouton marche/arrêt du manque de courage. La cause fondamentale.
Par curiosité, je viens de taper "manque d'énergie" dans mon moteur de recherche, et cet article est arrivé en tête de page.
Régulièrement de nouvelles explications apparaissent, pour tenter de trouver une raison à une fatigue qui n'est rien d'autre qu'un syndrome dépressif.
D'après une enquête réalisée en France, l'étude de la répartition des cas révèle que la plupart sont en fait des "fatiguées". En effet, la fatigue frappe souvent les femmes. Dans la moitié des cas, un examen médical trouve à l'origine de cette fatigue une cause organique bien réelle : un début de diabète, un cancer débutant, parfois une tumeur bénigne du cerveau expliquant un mal de tête persistant et fatigant. Souvent, les fatigués refusent d'être malades : par exemple ils ne veulent pas admettre qu'ils sont diabétiques, ou que leur diabète est mal soigné. C'est aussi le cas de personnes déprimées, qui ne le savent pas ou refusent de le reconnaître, et de personnes qui pour une raison ou une autre ont reçu par exemple un traitement anxiolytique ou un somnifère, pendant quelque temps et le continuent par habitude. Dans ces circonstances, la fatigue s'explique facilement par l'intoxication médicamenteuse.Ici, nous avons donc un problème : fatigue.
L'auteur de cet article l'attribue à une "cause unique", au choix :
– diabète
– cancer
– dépression
– intoxication médicamenteuse
Un cas de "causes multiples" serait d'avoir un diabétique cancéreux qui, faisant une dépression, se gaverait de médicaments.
Les deux premières causes (diabète, cancer) étant physiques, elles seront confirmées ou écartées avec des examens médicaux.
La troisième, la dépression, est plus difficile à cerner, car elle ne repose sur aucun dysfonctionnement organique. Personne n'a trouvé un virus de la dépression ni repéré de syndrome structurel ou fonctionnel d'un organe responsable de ce trouble de l'humeur.
Grâce à l'absence de rigueur scientifique qui entoure le sujet, un praticien peut convaincre une personne fatiguée qu'elle est une dépressive qui s'ignore, et lui prescrire un "remède" qui produira des effets secondaires, lesquels lui feront oublier sa fatigue (nausées, démangeaisons, migraines, irritabilité ou autres).
Si le praticien ou le patient adhèrent à une conception matérialiste, la dépression sera considérée comme une maladie physique, auquel cas on aura tendance à l'appeler dépression "nerveuse", pour insister sur son aspect organique. Ce sont les "nerfs" qui sont malades. Si le patient demande pourquoi on lui prescrit des molécules qui agissent sur le cerveau ou le système hormonal alors qu'il est malade des nerfs, le médecin pourra toujours lui répondre que "tout est lié".
Une fois le remède ingéré, selon les capacités d'élimination de l'organisme, s'il boit beaucoup ou peu, s'il fait du sport ou non, et selon le degré de toxicité des molécules prescrites, nous aurons une intoxication médicamenteuse, ou pas. Et la boucle sera bouclée.
Dans l'extrait d'article ci-dessus, à propos de la fatigue, il est surtout question de causes physiques, ce qui laisse à penser que l'auteur a une conception matérialiste de l'être humain.
Certains patients, conscients qu'ils sont victimes de processus plus subtils, se tourneront vers des thérapies de communication : psychothérapie, Programmation neurolinguistique (PNL), psychanalyse, EMDR, EFT (Emotional Freedom Technique), etc., tandis que d'autres se cantonneront aux remèdes chimiques qui sont remboursés, permettent un arrêt de travail, donnent droit à une prise en charge.
Sherlock Holmes : 1 – Docteur Watson : 0
Sur le plan logique, en cas de difficulté physique ou mentale, nous remarquons ces deux schémas d'explication :
1. la cause unique, un phénomène précis a généré un changement de situation, faisant apparaître un problème, une difficulté, qui n'existait pas auparavant.
2. les causes multiples, plusieurs raisons, échelonnées dans le temps, se cumulant les unes aux autres et interférant les unes avec les autres en processus complexe et graduel.
Pour les problèmes mentaux, émotionnels, relationnels, il y a une tendance à rechercher une cause unique. Il faut dire que l'idée de trouver le bouton magique qui permettra d'arrêter de souffrir est alléchante.
Puisque les problèmes de vie, comme les problèmes mathématiques, font appel à la logique, appliquons une déduction simple à notre problème de fatigue, mentionné plus haut.
1. Le manque de courage est un "manque d'énergie".
2. Sans énergie, on ne peut surmonter des difficultés ni atteindre ses buts ou réaliser ses rêves.
3. Une personne qui renonce à ses rêves perd une partie de son envie de vivre.
Comment se sentent ceux qui perdent leur enthousiasme, accusent une baisse d'intérêt dans la vie ?
Fatigués.
Chaque rêve non réalisé, chaque but non atteint, chaque projet abandonné, chaque envie à laquelle on a renoncé… engendre de la fatigue.
Regardez la fin d'un match de foot. Observez les joueurs de l'équipe perdante. Puis observez les gagnants. Tous ont fourni un effort physique intense. Pourtant, les uns se traînent, épuisés, tandis que les autres courent, bondissent, s'étreignent, débordant d'énergie, encore plus qu'au début du match.
Imaginons le cas fictif d'un joueur de l'équipe perdante qui, après cette défaite, s'interrogerait sur sa fatigue chronique. Désireux de trouver une solution à son problème, cette star du ballon rond chercherait sur Internet, tomberait sur l'article cité précédemment, et commencerait à se demander si son syndrome ne recélerait pas une cause cachée, un mal plus profond.
D'abord, il irait passer des examens en vue de dépister un diabète ou un cancer. Les tests s'avérant négatifs, il s'interrogerait davantage. Si bien que nous n'aurions plus seulement une personne fatiguée, mais introvertie et anxieuse, car la recherche d'une cause inconnue peut toujours déboucher sur une mauvaise nouvelle.
À ce stade (passez-moi l'expression), ce footballeur ne se considère plus comme un être humain normal qui négocie un obstacle dans sa carrière, mais comme un malade. C'est une idée quelque peu inquiétante, mais qui possède un aspect confortable : il peut se délester d'une part de sa responsabilité. Il est malade. Ce n'est pas sa faute. Il peut même attribuer son échec professionnel à cette maladie. Le regard des autres à son encontre changera, on ne le considérera plus comme un perdant, mais comme la victime d'une fatalité. Il est plus à plaindre qu'à blâmer.
Une fois en arrêt maladie, il aura tout le temps de se livrer à ce sport de plus en plus pratiqué de nos jours : trouver des pourQuoi.
Vautré sur son canapé de salon, tout en zappant les chaînes devant des programmes futiles, il s'interroge : Pourquoi je suis dépressif ?
Il passe en revue plusieurs options qui lui ont été suggérées par sa petite amie, son coach sportif, son médecin, un magazine de psychologie, un site Internet…
– Tu devrais faire une pause, tu as besoin de vacances (Sa petite amie qui aimerait passer plus de temps avec lui)
– Tu dois jouer plus en équipe, ça te permettra de t'économiser sur le terrain. T'es pas tout seul, tu dois compter sur tes coéquipiers. (L'entraîneur qui a du mal à rallier les joueurs autour de ses stratégies)
– Vous manquez de fer et de magnésium, et votre tension est un peu basse… Mangez-vous équilibré ? Je vais vous prescrire une cure de minéraux et vitamines. Prenez-les matin et soir, et si dans un mois, ça ne va pas mieux, revenez me voir, on fera des examens plus approfondis. (Son médecin)
– "Des véhicules qui n’ont plus d’essence", voilà comment le professeur Philippe Fossati, psychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), définit ses patients souffrant de dépression. "Ce ne sont ni des personnes paresseuses, ni manquant de volonté. Les bousculer ne sert à rien. Elles sont malades. Leur cerveau est tout simplement en panne." (Extrait du Magazine Science & Avenir)
– "Selon la théorie freudienne, la dépression est assimilable à une perte d'objet. Il est vrai que rien ne ressemble plus à une dépression qu'un état de deuil." (Site Internet)
Les quatre premières raisons possèdent un point commun. Elles mettent l'accent sur son manque d'énergie, son manque de force, suggèrent qu'il se repose, économise ses forces ou redonne de la vitalité à son organisme avec des compléments alimentaires. Ces quatre raisons affirment toutes qu'à un degré ou un autre, ce joueur manque de force, est plus faible qu'il ne le croyait.
En réalité, ce joueur était increvable sur le terrain, rien ne l'arrêtait, c'était même son point fort.
Adopter ce nouveau point de vue compatissant va diminuer l'image qu'il a de lui-même, réduire ce qui faisait sa fierté et son enthousiasme dans sa carrière de sportif.
Il part en voyage avec son amie, sa valise pleine de compléments vitaminés, minéraux et protéines énergisantes.
Une fois arrivé, allongé dans un transat, une position qui affirme son besoin de repos, il est plus déprimé et plus fatigué qu'il ne l'était déjà.
"Mais qu'est-ce que je peux bien avoir ?" se demande-t-il sous le ciel bleu tropical qu'il ne voit pas vraiment, tant cette question accapare son esprit.
Et le voilà parti à rallonger la liste des causes potentielles de son état déclinant. Ce méli-mélo de fausses raisons génère une tension supplémentaire, si bien qu'il n'est pas d'une compagnie agréable pour celle qui se faisait une joie, après tous ces mois d'entraînement intensif et de matches, de passer plus de temps avec lui.
Elle est déçue, lui reproche son attitude. Comme il est introverti, il ne l'écoute pas, trop centré sur ses propres problèmes, ce qui la frustre davantage. Il s'énerve. Le séjour est constellé de disputes et de silences maussades.
Elle ne se rend pas compte à quel point sa question est un sujet sensible : "Mais qu'est-ce que tu as, enfin ? Pourquoi, t'es comme ça ?"
Cette interrogation récurrente le plonge davantage dans ce qui a maintenant tout l'air d'une "dépression".
Le soir, seul au bar de l'hôtel, il avale deux antidépresseurs avec des gorgées de cocktail. Les restes d'un flacon qui lui avait été prescrit il y a deux ans, suite à une déprime semblable, survenue lors d'une période d'inactivité en intersaison. Mauvais mélange, mauvaise idée.
Il est d'une humeur noire, mais de façon étonnante, les propos insolents d'un client ivre ne le font pas sortir de ses gonds, au contraire…
"Hé ! mais je vous connais… votre équipe a pris une sacrée dérouillée, l'mois dernier. L'prenez pas mal… ch'uis un fan, j'ai regardé tous vos matches. Oh, j'vous jette pas la pierre, hein ? Z'êtes le meilleur, c'est sûr… une vraie locomotive… si tous les joueurs étaient comme vous, vous auriez pulvérisé l'autre équipe… Mais qu'est-ce que vous foutez ici ? C'est pas bon, ça, pour le moral… devriez être à l'entraînement, mon vieux… Hé, ouais ! Comme mon grand-père y disait… 'Qu'est-ce qu'on fait quand on tombe de cheval, Yann ? Hein ! Qu'est-ce qu'on fait ? Ben, on s'remet en selle, mon gars !' C'est pas le moment de vous reposer, vous avez une revanche à prendre… Ha ! ha ! ha ! Allez, à vot' santé ! "
Le lendemain, il est dans l'avion. Il a la rage dans les yeux, mais n'est plus dépressif. Sa petite amie, assise dans le siège voisin, contemple le tapis de nuages d'un air boudeur, mais au fond d'elle-même, elle est soulagée. Elle a perdu ses vacances, mais elle a retrouvé celui qu'elle aime, le vrai.
Vol au-dessus du labyrinthe
Mon exemple est simpliste. Il ressemble à un épisode de série télé. Je l'ai imaginé simple parce que le sujet est suffisamment compliqué pour ne pas l'embrouiller plus avec des personnages et un scénario complexes.
Quant à la vraisemblance… Il y a dix minutes, j'ai fait une recherche sur "alcool antidépresseur" pour vérifier une information concernant les effets secondaires. Surprise ! Je suis tombé sur un article de journal qui relatait les mésaventures d'un joueur de foot. On aurait dit un plagiat de mon histoire. Je ne sais pas s'il y a eu une sorte de télépathie, ou si ces cas sont si courants que les stars victimes de ce syndrome de "dépression" sont légion. J'ai imaginé un sportif, ça aurait pu être une actrice, un chanteur, une secrétaire, une caissière de supermarché, un étudiant…
Le contexte et les personnages importent peu. Ce qui compte, c'est la méthode de réflexion utilisée pour résoudre les difficultés émotionnelles.
Les questions "Q" :
PourQuoi ?
Qu'est-ce qui se passe ?
Quelle est LA raison de ce qui m'arrive ?
Dans chaque cas, on retrouve un système logique semblable, à 3 parties.
1. Une question "Q" '(PourQuoi ? Qu'est-ce qui… ? Quel[le] est la cause, la source de… ? Ou toute question similaire, reposant sur un pronom interrogatif sélectif.)
Un pronom interrogatif sélectif demande LA raison, LA cause, LA source unique d'un problème, physique ou mental.
2. Un chapelet de raisons – appelons-les des "Est-ce que ?" – est pensé/suggéré/fourni par la personne ou son environnement, en réponse à cette question "Q".
3. Un "parce Que" est affirmé par l'environnement ou adopté par la personne.
1, 2, 3…
1. Pourquoi ?
2. — Est-ce que … ?
2. — Est-ce que … ?
2. — Est-ce que … ?
2. — Est-ce que … ?
2. — Est-ce que … ?
2. — …
3. Parce que … (une raison donnée dans la liste à choix multiple)
C'est la structure classique. L'équation de base. La fonction logique f(Q), prononcez "f de Q", qui permettra toutes sortes de calculs, appliqués à des problèmes divers.
Un pourQuoi, des Est-ce que, un Parce que.
Maintenant, on peut faire preuve de créativité, avec ce système, l'emmêler de toutes les façons possibles, le mettre en marche de façon si innocente qu'on ne se rendra même pas compte qu'il est à l'œuvre, caché au milieu de ses pensées, mettant le bazar dans son esprit et ses émotions, saccageant des certitudes et des vérités essentielles à sa cohérence intérieure et à l'estime de soi.
Par exemple, on peut commencer par l'étape 3, qui engendrera automatiquement les étapes 2, puis 1. Donnez un Parce que à une personne, dans un sujet où elle n'avait jusque-là aucun problème, et elle risque de chercher des Est-ce que, jusqu'à finalement se demander un Pourquoi qui justifie tous ces Est-ce que.
Ou alors, on peut commencer par 2, après quoi 3, puis 1 suivront. Souvent, seul 3 se produit, qui va réactiver un système 1, 2, 3 sur un autre sujet, antérieur de plusieurs années.
En voici un exemple. Vous noterez au passage que les Est-ce que et les Parce que ne sont pas toujours formulés de façon rigoureuse. Un Est-ce que peut commencer par la conjonction Parce que. Et un Parce que peut se passer de cette expression "Parce que". C'est l'idée qui compte. Un Est-ce que est une réponse possible. Un Parce que est une réponse sélectionnée, adoptée comme LA bonne, la plupart du temps à tort.
Qu'est-ce que LA bonne réponse ? Comme en mathématiques, c'est celle qui annule, met fin au problème, en le résolvant.
Pourquoi je suis fatigué ? fournit 4 Est-ce que.
— Est-ce que je suis malade ?
— Est-ce que j'ai besoin de vacances ?
— Est-ce que je manque de vitamines ?
— Est-ce que je n'aime pas mon travail ?
Réponse sélectionnée (un jour où le patron a été injuste) : Parce que je n'aime pas mon travail.
Cette idée, fausse (nous le verrons après), ne résout rien et présente un problème supplémentaire qui, à son tour, appelle une solution.
Pourquoi je n'aime pas mon travail ?
— (Est-ce que) les conditions sont trop dures
— J'aurais aimé faire autre chose
— C'est juste un job alimentaire
— Je ne l'ai pas choisi par passion, mais par nécessité, après avoir arrêté mes études.
Réponse sélectionnée : Je ne l'ai pas choisi par passion, mais par nécessité, après avoir arrêté mes études.
Sachant que cela ne résout rien, une nouvelle question Q est relancée, qui avait été posée par sa mère il y a 20 ans.
Pourquoi j'ai arrêté mes études ?
— (Parce que) j'ai raté mon examen
— Je n'aimais pas les cours d'économie, ce n'était que des maths
— J'aurais dû choisir littéraire
— Je voulais travailler, pour gagner ma vie et être indépendante
— Etc.
— Etc.
J'ai dit que le premier Parce que, "Je n'aime pas mon travail", était faux. Il en va ainsi de beaucoup de ces Est-ce que et Parce que. Ils ne résistent pas à une analyse logique rigoureuse.
Le fait d'aimer, que ce soit dans le travail ou le couple, est un concept souvent incompris. Contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas une proposition binaire. "Aimer" ou "Ne pas aimer". C'est un taux d'énergie émotionnelle relatif à un sujet ou un objet. Désolé pour le manque de romantisme, mais étant une énergie, l'amour est variable. Il fluctue sur une échelle graduée, en fonction de facteurs relatifs multiples, suivant les moments.
La question "Est-ce que tu m'aimes ?", qui embarrasse souvent celui ou celle à qui on la pose, devrait recevoir, comme réponse logique, ces deux questions : 1. Quand ? 2. Comment ?
Hier soir, tu m'énervais. Ce matin, j'avais une folle envie de t'embrasser. Cet après-midi, je t'ai admiré(e). Et là, maintenant, tu m'inquiètes.
Cette personne qui "n'aime pas son travail" à 10 h 20, vous la trouverez, à 15 h 36, en train de rire d'une bonne blague avec ses collègues, ou de sourire à son patron qui lui a fait un compliment. Et c'est aussi tout ça, son travail. Sa fierté quand elle résout le problème d'une cliente, laquelle la remercie chaleureusement. Ses plantes vertes qu'elle adore et dont elle prend soin. Le restaurant, qui n'est pas si mauvais, surtout le mardi quand il y a œufs en neige.
Aimer, ne pas aimer. L'amour, au sens large, même pour des objets, est une énergie extrêmement volatile. Il se cultive, s'entretient, se développe, se construit, ou se laisse mourir entre les mains de ceux qui transgressent ses lois.
"L'amour est enfant de bohème, qui n'a jamais connu de lois", chantait Carmen, dans l'opéra du même nom. Pauvre Carmen, les eût-elle connues, ces lois, qu'elle n'aurait peut-être pas fini poignardée par son ex.
Tout ça pour dire que les Parce que illogiques peuvent avoir des conséquences funestes.
Des idées qui restent en travers de la gorge
Ariane arrive au bureau un matin d'hiver, frigorifiée. Elle est un peu en retard, n'a pas eu le temps de bien déjeuner. Juste pris un café. Il faut dire que depuis que la direction a doublé les quotas pour le même salaire, elle y va plutôt à reculons. Son corps manque de calories pour se défendre contre le froid. Le système circulatoire réagit par une vasoconstriction des vaisseaux, afin d'accélérer la circulation sanguine. Visage plus pâle que d'habitude.
Sa collègue, Pandore, qui ne l'aime pas beaucoup parce qu'elle trouve qu'Ariane fait du zèle :
— Dis donc, t'as une petite mine, toi ! Tu nous couverais pas un truc ? Faut que tu te ménages…
Légèrement soucieuse, Ariane va aux toilettes pour se regarder dans le miroir.
Pourquoi elle m'a dit ça ?
Qu'est-ce que j'ai ?
Est-ce que j'ai attrapé la grippe ?
Est-ce que j'ai l'air si fatiguée ?
Peut-être parce que j'ai maigri… (elle repousse l'association d'idées, mais son père avait terriblement maigri, avant qu'on lui découvre une longue maladie.)
Est-ce que je serais pas en train de tomber malade ?
Pourquoi je serais malade ?
Peut-être parce que je suis stressée…
Faut dire qu'il y a pas une bonne ambiance au boulot. On nous en demande toujours plus, mais on n'est pas considérés à la hauteur de nos efforts.
Ces pensées reviendront de temps à autre dans la journée. Son humeur a chuté. Elle est introvertie, car elle a intégré des faux problèmes et des questions inutiles. Ses pensées envoient des informations erronées à son organisme qui met en branle ses défenses immunitaires. Ce qui désorganise d'autant plus son métabolisme qu'elle n'a pas mangé. Il en résulte une fatigue. Tous ces processus réactivent des mémoires corporelles plus anciennes, liées à de vrais moments de maladie.
Plus tard dans la journée, son chef remarque son air renfermé.
— Vous allez bien ? demande-t-il.
Elle croit qu'il s'inquiète de sa santé. Ce qui valide la remarque de sa collègue, relance ses interrogations, ravive l'inquiétude latente.
Le soir, son mari l'accueille avec un froncement de sourcil.
— T'as pas l'air en forme… t'aurais pas attrapé un virus ? Fais gaffe, il paraît que la grippe est méchante, cette année.
Le lendemain matin, elle a un peu mal à la gorge, se sent affaiblie.
Est-ce que ça serait pas un début d'angine ? se dit-elle.
L'effort qu'elle a fait la journée précédente pour se retenir d'utiliser ses cordes vocales, en disant à sa collègue qu'elle s'occupe de ses oignons, à son chef que plutôt que de s'inquiéter qu'elle soit absente, il ferait mieux d'avoir plus de considération pour son travail, et à son mari qu'il devrait moins remarquer quand elle est fatiguée, et un peu plus quand elle fait des efforts pour être belle… bref, cet effort a bloqué un paquet d'influx nerveux dans la gorge. Le système immunitaire, cette police corporelle que les pensées alarmantes ont envoyée ailleurs à la recherche d'une maladie qui n'existe pas, n'a pas été assez réactif. Pendant ce temps, des bactéries, des virus, ou les deux en ont profité pour commettre des actes de vandalisme dans la zone du larynx.
En l'absence d'énergie vitale, un corps se laisse envahir par les parasites. Le retrait, même minime, du champ de conscience est un début de mort. Ça commence par les petites bêtes, bactéries, virus. Lorsque ce retrait d'énergie vitale est complet, il en vient de plus grosses : les vers mangent le cadavre.
Revenons à Ariane. Continuant de brasser des fausses réponses et des questions inutiles qui sont autant de réponses à d'autres faux problèmes, son moral va continuer de chuter, tout comme son énergie physique, et la maladie va s'installer à demeure. Arrêt maladie à la clef. C'est sa seule consolation : "Ils verront bien à quel point je fournis un travail valable, quand ils devront se le coltiner à ma place."
Sauf que cette idée transforme cette maladie, un problème indésirable, en solution. Rester au lit valorise la qualité de son travail. Le système immunitaire, qui reçoit ces informations de façon subliminale, comprend que cette maladie est utile. Et comme elle reste clouée au lit à ne rien faire, elle a tout le temps disponible pour touiller ses PourQuoi, ses Est-ce que et ses Parce que.
Trois semaines pour se rétablir, malgré les antibiotiques. La pire angine qu'elle ait jamais eue.
— Je te l'avais dit qu'elle était méchante la grippe, cette année, conclut son mari. T'aurais dû te faire vacciner.
Tous ces cheminements logiques n'ont l'air de rien, parce qu'après tout ce ne sont que de simples pensées, du vent. S'il fallait faire attention à tout ce qu'on pense, on serait pas sorti de l'auberge.
De l'auberge, je ne sais pas, mais du lit, peut-être.
Antivirus et pare-feu
Je me souviens d'une discussion avec un technicien de Microsoft, c'était en 2002 :
— Aujourd'hui, si vous surfez sur Internet sans pare-feu ni antivirus, il ne faut pas plus de 20 minutes, peut-être une demi-heure, avant que votre ordinateur soit infecté par un virus ou un programme malveillant.
Dans ce blog, j'ai utilisé l'informatique et les ordinateurs comme comparaison pour expliquer certains principes de memory coaching.
Tout comme l'ordinateur, un esprit humain gère de l'information (données) stockée dans une mémoire, selon des programmes logiques qui s'appuient sur des langages. Même si l'esprit humain utilise des langages plus complexes que les codes informatiques. Il y aurait beaucoup à dire, sur ce sujet, tant les parallèles sont nombreux et précis, mais ce serait trop technique pour cet article.
Connecteriez-vous votre ordinateur à un réseau (Internet ou réseau privé) ou un autre ordinateur, sans un pare-feu et un antivirus ?
C'est ce que nous faisons lorsque sans les avoir analysés, nous intégrons des contrevérités, des questions mal posées, des faux problèmes, des données qui ne sont pas cohérentes avec les informations déjà enregistrées, lorsque nous formulons des questions et adoptons des réponses qui sont en conflit avec les programmes déjà installés, notre logique interne, nos codes, nos valeurs, nos critères fondamentaux, même ceux que nous avons oubliés dans un coin de notre "disque dur" personnel.
Ces questions Q sont toxiques. Elles génèrent des constructions de pensées qui vont faire que l'esprit s'effondre sur lui-même. Comme un ordinateur infecté par un virus où les instructions de code se dupliquent, se répliquent, se multiplient, générant toujours plus de désordre dans la mémoire. Avec des plantages fréquents, jusqu'à que ce que la machine ne s'éteigne plus (énervement, insomnie), ou ne redémarre plus (fatigue, burn-out, déprime).
Ces questions Q, avec leurs Pourquoi, Est-ce que et Parce que, sont l'équivalent humain d'un virus ou d'un logiciel malveillant. Elles font des dégâts considérables dans le software (logiciel) et le hardware (machine). Notre esprit et notre corps. Il se pourrait bien qu'elles soient la cause majeure de toutes les "pannes".
J'avais survolé ce thème, dans l'article Regarder autour de soi plutôt qu'à l'intérieur.
Après avoir passé l'année à remettre sur pied victime après victime après victime de ce mécanisme, je me suis dit qu'il était temps de sonner l'alerte contre ce virus qui contamine de plus en plus notre société. Je ne me leurre pas. Un simple article de blog n'empêchera pas des millions de gens de "s'allumer la tête" (comme disait une de mes coachées), ni ne les empêchera de se rendre malades, au propre et au figuré. Mais si cela peut mettre en garde des lecteurs de passage, et les empêcher de se perdre dans un labyrinthe de faux problèmes et de mauvaises réponses, j'estime que ces quelques semaines de travail n'auront pas été vaines.
De façon étonnante, toutes ces fausses raisons, explications, données en réponse à toutes ces questions inutiles ou mal posées, ont un point en commun : elles sont toujours dévalorisantes. Elles rabaissent, diminuent, dénigrent, réduisent les qualités, l'équilibre mental, l'image de soi, les capacités réelles ou potentielles, l'énergie physique, la force, le talent, l'intelligence, la fierté intrinsèque de la personne.
Cela tendrait à suggérer que l'être humain est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus capable, plus valable, qu'il ne le croit lui-même.
Maintenant, si quelqu'un désirait une réponse à cette dernière question : comment faire pour éviter de tomber dans ce piège ?
Je lui répondrais que c'est une excellente question, comment, car ce n'est pas une question "Q".
Comment… comment ne pas tomber dans un piège ?
"L'éternelle vigilance est le prix de la liberté."
Thomas Jefferson
Merci infiniment pour cet article. Très clair et tellement vrai.
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