samedi 23 avril 2016

L'individu divisé


Le mot “individu” vient du latin individuum qui signifie “corps indivisible”.

En ce qui concerne l’être humain, cette appellation est trompeuse, car il se divise en deux éléments distincts :

1 le corps ;

2. l’esprit.

Les sciences courantes ont acquis une connaissance du corps qui permet d’en réparer certaines parties avec plus ou moins de succès, suivant le type de “panne” et divers facteurs aléatoires que les médecins sont souvent incapables d’expliquer ou de contrôler. Certains vous diront, devant un mal sur lequel leur dernière prescription a été sans effet, quelque chose comme : “Seriez-vous stressé(e) en ce moment ?” “Y a-t-il une situation qui vous perturbe ?”

Les scientifiques sont de bons mécaniciens pour tout ce qui touche à la matière inerte, mais quand elle s’anime d’un souffle de vie, ils perdent pied. Et seuls les thérapeutes honnêtes ont assez d’humilité pour le reconnaître.

Dès lors qu’il est question de conscience ou d’énergie vitale, on est dans le flou.

La psychologie, de ses racines grecques psukhê, “l’âme sensitive”, et logos, “parole” ou “discours”, donc étude de l’âme, est en porte-à-faux avec sa propre appellation, puisqu’elle nie le concept d’esprit en tant que phénomène de conscience “immatériel”.

Quel sens peut-on donner à ce mot, “immatériel”, qui ne soit pas en contradiction avec la logique ?

Est-il possible d’adhérer à une vision spirituelle qui soit aussi rationnelle ?

Imaginons une énergie particulière, qui aurait les propriétés de s’affranchir des limites de l’espace, mais aussi du temps.

Supposons que la conscience d’un individu, son champ d’attention, sa “bulle de perception” soit constituée d’une portion de cette énergie… L’énergie est mouvement, le plus souvent fluide et directionnel (ou multidirectionnel).

Faites ce petit test…

Sans bouger les yeux, dans une attitude parfaitement relâchée, portez votre attention sur le mur de gauche.

Maintenant, toujours sans bouger les yeux et sans effort, déplacez votre attention sur le mur de droite.

Puis vers le plafond.

Trois mouvements viennent d’être effectués par votre champ de conscience, sans qu’aucun organe de perception n’ait bougé. Avec un peu d’entraînement, vous pouvez apprendre à mieux déplacer ce champ d’attention à gauche, à droite, en haut, en bas, devant ou derrière votre corps, sans bouger physiquement. Vous obtenez une perception floue, diffuse, mais réelle.

Amusez-vous, quand vous n’avez rien à faire, à pratiquer cet exercice de perception “sans les yeux”, il vous fera acquérir un meilleur contrôle de votre attention. Aussi, ce lâcher-prise de la perception soulage certaines migraines dues à un excès de concentration du champ d’attention dans la tête ou les yeux.

Donc, ce champ de conscience, cette énergie perceptive, peut se déplacer dans l’espace à volonté, sans intervention extérieure.

Elle peut aussi voyager dans le temps…

Rappelez-vous la dernière fois que vous avez vu l’océan : le sable, l’étendue d’eau jusqu’à l’horizon, le bruit des vagues, le cri des mouettes, la caresse du vent.

Un matérialiste trouvera cette comparaison de voyage dans le temps abusive. Il vous dira que les neurones de votre cerveau ont enregistré ces stimuli sous forme de code moléculaire, imbriqué dans des réactions chimiques, etc.

Pourtant, vous pouvez visualiser cette même plage dans l’avenir, en imaginant que vous y retournez avec une personne qui n’y a jamais mis les pieds. Le sable, la personne qui vous accompagne, l’horizon, le soleil, les mouettes, le bruit du vent, un paquebot qui passe au loin et dont la sirène retentit, faisant s’envoler les mouettes effrayées.

Dans quels neurones sont stockés les impressions chimiques de ces “souvenirs” futurs qui n’ont jamais eu lieu ? Par ailleurs, au large de cette plage, même à des kilomètres, l’eau n’est pas assez profonde pour permettre la navigation d’un tel navire.

Cette idée d’un champ de conscience, d’une énergie de perception, capable de s’affranchir des contraintes spatio-temporelles possède un avantage, elle résout ce casse-tête insoluble : qu’y avait-il au commencement ?

Vous savez, l’éternel débat entre créationnistes et matérialistes.

“Dieu a créé le big bang qui a créé l’univers…

– Bah, alors, qui a créé Dieu ? Qu’y avait-il au tout début, l’œuf ou la poule ?”

Avec un champ de conscience qui dépasse les limites du flux temporel physique, la question s’annule d’elle-même.

Le champ de conscience est au-delà de cette dimension étriquée du temps, puisqu’il peut aller dans le futur et faire apparaître un évènement qui ne s’est jamais produit dans le passé. Ou il peut visualiser le passé de la préhistoire, paysages volcaniques, cris de sauriens, forêt vierge démesurée, humanoïdes simiesques, alors que le corps qu'il habite n’y a jamais été.

Est-ce que cette idée d’énergie de conscience intemporelle veut dire que Dieu n’existe pas ? Ou que Dieu est cette énergie de conscience ?

Libre aux créationnistes de considérer Dieu comme cette énergie de conscience à l’état pur, capable de s’élever au-dessus des limitations de la chair dès lors que cette conscience le “croit” possible, ce qu’on appelle “la foi”. Le mot enthousiasme, d’après ses racines étymologiques, signifie : avoir Dieu en soi.

Libre aux matérialistes de dire que ce que les mystiques appellent “dieu” ou “esprit” n’est qu’un phénomène d’énergie quantique dont les fréquences et longueurs d’onde sont altérées par la cohabitation avec un organisme au métabolisme carbone-oxygène, son influx nerveux bioélectrique et ses réactions chimiques.

Deux langages pour une même réalité.

Certains pensent que ces concepts sont inconciliables.

Ça me rappelle cette histoire zen :
Deux moines zen, disciples du même maître, se chamaillent pour savoir si le prochain bouddha viendra de l’ouest ou de l’est.

Le premier s’en va trouver le maître pour faire valoir son point de vue.

“Tu as raison”, lui répond le maître.

Ce disciple court aussitôt narguer son adversaire en lui rapportant les paroles du maître.

Déçu, le second disciple va plaider sa cause auprès du maître :

“Senseï ! J’avais pourtant cru retenir de vos enseignements que le prochain bouddha viendrait de l’ouest.

–  Tu as raison”, répond le maître.

Rassuré, le second disciple s’en va.

Alors, un troisième moine ayant assisté à la discussion s’étonne :

“Mais enfin, maître, ces disciples soutiennent des points de vue contradictoires, comment peuvent-ils tous deux avoir raison ? N’est-ce pas inconciliable ?

– Tu as raison, c’est impossible”, dit le maître.
Un non-initié au bouddhisme zen pourrait croire que le maître a simplement joué un bon tour à ces moines, qu’il se fiche de savoir si le prochain bouddha viendra de l’est, de l’ouest ou du Pôle Nord. Mais l’esprit du zen est plus subtil que ça. Il fait réfléchir sur des dichotomies apparentes, non pas pour faire comprendre qu’elles sont fausses ou sans importance, mais pour élargir la conscience de la personne, jusqu’à ce qu’elle réalise que ce qu’elle prend pour “LA” réalité, avec sa vision limitée, étroite, rigide, va bien au-delà des apparences et qu’en accédant à une conscience supérieure, le satori, mot japonais signifiant “éveil”, elle découvre de nouvelles réalités ou les contraires coexistent.

Replacé dans le contexte de la physique quantique, ce kōan (énigme) zen pourrait se traduire ainsi :

“Tant que l’esprit d’un observateur n’a pas créé l’apparition du prochain bouddha, ce dernier reste en état de superposition quantique, à la fois à l’est et à l’ouest, comme le chat de Schrödinger.”

Ou comme disait l’industriel américain Henry Ford :
“Si vous pensez que vous pouvez faire quelque chose ou que vous ne pouvez pas, vous avez raison dans les deux cas.”

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