J’ai arrêté de fumer du jour au lendemain… Sans effort excessif, sans "volonté", sans méthode tirée d’un livre ni conseils glanés sur le web, sans tambour ni trompette, juste comme ça, simplement.
C’était facile. Je ne me suis pas débattu dans les affres de la frustration ou du "manque". C’était il y a plus de sept ans.
J’aimais bien fumer. Je ne faisais pas partie de ces fumeurs honteux, vous savez : "j’ai essayé d’arrêter plusieurs fois, mais à chaque coup je recommence, c’est plus fort que moi", ou bien "j’aimerais bien arrêter, mais j’ai pas le courage", "Oui, je sais, c’est mauvais pour la santé, mais qu’est-ce que tu veux…" avec une petite mine contrite en prime. Non, non. Moi, je trouvais ça super, de fumer. Très agréable, ce geste convivial d’allumer une clope en fin de repas, de s’en rouler une tout en discutant avec des amis, en buvant un thé ou un café.
Sentir ce petit cylindre entre ses doigts, l’odeur de la fumée, inspirer cette caresse nuageuse dans les poumons, la recracher peu à peu, s’entourer d’un nuage de brume qui adoucit les contours de l’existence. Les sensations !
Si l’on y regarde bien, on se rend compte que la majorité des plaisirs quotidiens contiennent cet ingrédient ô combien essentiel : la sensation. Que ce soit manger, regarder un film, aller en vacances pour sentir la fraîcheur de l’eau sur son corps, le sable chaud sous ses pieds, la brûlure des coups de soleil… manger un hot-dog ou un hamburger avec des frites et un Coca, ou pire, un milk-shake bien gras et trop sucré… la finalité est la même : faire vibrer nos sens. Vue, ouïe, toucher, odorat, goût et bien d’autres… Faire du saut à l’élastique ou se rouler en boule sous la couette par un soir d’hiver dans une maison glaciale. Aller en boîte ou à un concert, mitraillé par les éclairages, entre plaisir et stress. Se prendre un plat sur le bitume lors d’une chute en rollers, jouer sur sa console vidéo jusqu’à ce que ses pouces, sa tête et ses yeux endoloris déclarent forfait… courir trop longtemps et trop fort, et rentrer chez soi, épuisé, en nage, avec des ampoules aux pieds, puis savourer les courbatures le reste de la semaine… regarder un tableau de peinture et rester fasciné devant sa laideur, lire un mauvais livre jusqu’au bout parce que, quand même, on aimerait bien voir comment ça finit… Regarder un enfant courir, un couple s’embrasser, un oiseau s’envoler… faire du shopping, ou simplement des courses dans un supermarché, voir, toucher, sentir, palper tous ces aliments, ces objets, utiles ou inutiles… remplir un caddy bien au-delà de ses besoins, par fringale, par manque, par cet appétit que la publicité nous stimule sans cesse… Écouter le bruit d’une machine qui tourne ou le scanner d’une photocopieuse, en sentant l’odeur étrange de l’encre surchauffée. S’étonner de la sonnerie originale d’un portable… Écrire…
Les sensations, c’est la carotte qui nous fait avancer, le su-sucre qui nous fait saliver, le cadeau de la pochette-surprise qu’on ouvre à chaque instant, le bonus permanent de ce magnifique jeu audio-vidéo-sensatio qu’est la vie.